PI MAI LAO, “Le renouveau a toujours été d'abord un retour aux sources. ”*
- Albert DANG
- 12 avr. 2017
- 4 min de lecture

Le nouvel an lao, appelé Pi Mai (lao : ປີໃໝ່, ‘’nouvel an’’) est célébré chaque année entre le 13 et le 16 avril au Laos, une fête liée au bouddhisme Theravada, en même temps qu’en Birmanie (Thingyan), au Cambodge (Chaul Chhnam), en Thailande (Songkhran) et chez les Dai du Yunnan. C’est l’occasion d’honorer plusieurs valeurs : la foi bouddhiste, l’esprit de famille et la tradition légendaire.

Tout d’abord, le nouvel an bouddhiste, qui est la fête la plus importante du pays, donne lieu à de nombreuses célébrations : des bacis (cérémonies bouddhistes) organisés à la maison en présence des bonzes du quartier pour les bénédictions, la construction d’un stupa en sable sur l’ile face au Vat Xieng Tong, la procession du ‘’Bouddha d’or’’ de Luang Prabang, les offrandes matinales aux moines (le Tak Bat), revêtant encore plus d’importance, et enfin la coutume de verser un peu d’eau avec la main sur son entourage durant 3 jours de fête

Ensuite, c’est un grand moment de rassemblement familial. Les Laotiens expatriés ou habitant loin de la demeure familiale rentrent au pays pour être auprès des siens. Se retrouver et faire ripaille ensemble sont des moments forts du nouvel an. La famille nettoie la maison de fond en comble pour chasser les mauvais esprits et pour accueillir l’année nouvelle. On asperge les statues de Bouddha d’eau lustrale consacrée par les bonzes. On s’habille élégamment et de manière traditionnelle. C’est l’occasion pour les oiseaux, grenouilles et autres petites créatures d’être libérés de leurs cages. On s’arrose mutuellement en prononçant les vœux.
Enfin l’élection de miss Lao est l’occasion de revivre la légende de Phayakabinlaphom et de Thammabane, inscrite dans la tradition lao.

Il était une fois un fils de paysan du nom de Thammabane, qui était très intelligent et avait le don de parler aux animaux. Grâce à ce pouvoir, Thammabane était respecté partout dans le pays. Cette notoriété arriva aux oreilles du sage dieu du ciel Phayakabinlaphom, qui descendit sur la terre pour tester les connaissances de Thammabane. Le dieu posa 3 questions à ce dernier, qui y jouait sa vie s’il ne parvenait pas à donner les réponses justes : ‘’ Quelle est la partie la plus importante du corps humain le matin, celle à midi et enfin celle le soir ?’’ Il eut 7 jours pour trouver la réponse, ce qui correspondait aux 7 derniers jours de l’année. Par ailleurs, si Thammabane réussissait l’épreuve, ce serait le dieu Phayakabinlaphom qui devra offrir sa tête. Thammabane chercha les solutions sans relâche, ne dormant plus, attentif à toutes les conversations des animaux pour l’aider à trouver les réponses. Or il advint qu’un jour, il surprit la conversation de 2 vautours qui le suivaient, attendant l’heure venue de Thammabane pour le manger, conversation qui lui donna une idée de la réplique. Quand vint le jour fatidique, le dieu Phayakabinlaphom lui reposa les 3 énigmes, et c’est ainsi que Thammabane lui répondit : ‘’la partie la plus importante du corps le matin est le visage car l’homme se réveille et c’est le visage qu’il lave en premier ; à midi comme il fait très chaud, l’homme se rafraichit en humidifiant sa poitrine, c’est cette partie-là du corps qui est le plus important ; enfin le soir arrivant, avant d’aller se coucher, l’homme lave ses pieds, c’est donc dans ses pieds que l’homme y trouve la partie la plus précieuse.’’ Le dieu Phayakabinlaphom fut stupéfait des explications, et reconnut le grand savoir de Thammabane. Respectant le pari conclu, le dieu se ferait couper la tête. Mais Phayakabinlaphom, qui était un très grand sage et très puissant, n’ignorait pas que sa mort ébranlerait le monde jusqu’aux entrailles, et mettrait tous les hommes en danger. C’est pourquoi pour garder le monde inaltéré, il demanda à ses 7 filles de préserver sa tête coupée intacte, sur un plateau d’or dans la grotte de Khauwsoumenkailath. Cela se passa le premier jour de l’année nouvelle : la première de ses filles, chevauchant son animal fantastique, déposa la tête de leur père dans la grotte, la nettoya d’eau parfumée à la fleur de frangipanier et d’autres senteurs ; ce rituel se passa pendant 7 jours durant, chacune leur tour, les filles arrosaient d’eau parfumée la tête de leur père, préservant ainsi le monde sain et sauf.

Depuis, à chaque nouvel an lao, les habitants vont au temple arroser les avatars de Bouddha avec de l’eau parfumée, arroser les ainés, la famille, les amis et les entourages pour se porter attention les uns les autres, pour maintenir la paix et l’harmonie, aussi longtemps que possible.

Ainsi l’élection de miss lao rappelle cet épisode mythologique de la tradition, et la miss Lao élue de l’année incarne Nang Sangkham, une des 7 filles du dieu Phayakabinlaphom, conduisant la procession et tenant sur le plateau d’or la tête coupée du sage dieu, qui avait perdu le pari face à Thammabane, mais qui avait respecté sa parole, tout en sauvant le monde.

*Romain Gary, La Danse de Gengis Cohn
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